Les outils à batterie existent depuis une bonne trentaine d’années et les opinions des utilisateurs sont très tranchées quant à leur pertinence et leur utilité réelle. Certains croient que les fabricants d’outillage ont inventé les outils à batterie que dans le seul but de générer des revenus récurrents avec la vente de batterie de remplacement à prix prohibitif. D’autres les accusent même d’avoir créé une arnaque, quand ils ne leur reprochent carrément pas d’avoir orchestré une conspiration à l’échelle mondiale. Bref, le portrait n’est pas beau, mais heureusement, la vérité est ailleurs. Je vais tenter ici d’apporter quelques éléments de réflexion sur cette catégorie d’outils, qui représente pourtant bel et bien l’avenir de l’outillage électroportatif.
Les premières générations d’outils sans-fil
Il faut bien l’avouer d’emblée, les premières générations d’outils à batterie n’avaient rien pour impressionner la galerie. Les batteries Nicad, et plus tard les batteries NiMH, possédaient une densité électrique beaucoup trop faible pour offrir des performances à la hauteur des outils électriques. À cette époque, seules les perceuses, les visseuses à chocs, et peut-être quelques autres outils peu énergivores valaient la peine d’être achetés. Pour les autres, tels que les scies circulaires ou les scies alternatives, il fallait limiter le travail à quelques coupes seulement avant de drainer complètement la batterie. D’ailleurs, le prix des outils à batterie était entre 50% et 100% plus cher que les outils électriques, et les plateformes de batterie changeaient rapidement, ce qui causait bien des maux de tête à ceux qui désiraient investir dans un système pour y demeurer longtemps.
Bref, avec un tel portrait, j’ai longtemps recommandé aux lecteurs de mes chroniques et de mes articles dans les magazines de se procurer le minimum d’outils à batterie afin d’éviter les conséquences pécuniaires de l’obsolescence. Ma suggestion à l’époque, pour les bricoleurs occasionnels, était d’acquérir un ensemble avec une perceuse et une visseuse à chocs, et de s’en tenir qu’à cet achat. Pour les autres outils, la version filaire était plus rentable à bien des égards. Bien entendu, les professionnels qui utilisaient leurs outils pour travailler pouvaient parfois y trouver leur compte, car un outil à batterie élimine la rallonge électrique, mais si la puissance n’est pas au rendez-vous, la productivité de l’ouvrier en souffre.
La donne à changer aujourd’hui
Le portrait de l’outillage à batterie a toutefois changé du tout au tout au cours des 2 ou 3 dernières années. En effet, les fabricants offrent maintenant des produits plus matures et dépourvus des problèmes associés aux premières générations d’outils sans fil.
Vous voulez des exemples? Commençons d’abord par la batterie. À l’époque, les batteries s’inséraient verticalement dans le manche de l’outil et n’étaient retenues que par deux crochets. Pour l’enlever, il fallait appuyer de part et d’autre de la batterie. Or, ce mécanisme faiblissait éventuellement et les batteries tombaient au sol à la moindre vibration. Aujourd’hui, tous les fabricants utilisent une glissière et la batterie s’installe horizontalement. Ce changement en apparence anodin fait par contre toute la différence!
Comment ne pas parler de l’arrivée du composé chimique Li-ion? D’abord utilisé dans les batteries d’ordinateurs portables, ce composé chimique était au départ jugé trop faible pour alimenter un outil. Le fabricant Milwaukee a toutefois déjoué tous les pronostics en proposant cette nouvelle batterie Li-ion dans ses produits. Parmi les améliorations qu’on apporté le Li-ion, notons la perte de poids significative des batteries versus leurs équivalents dans le Nicad et le NiMH. En terme de volume, la taille des batteries s’équivaut, mais le point crucial ici est le potentiel électrique des cellules Li-ion. Avec le Nicad et le NiMH, les cellules individuelles n’offrent que 1.2 volt d’énergie, alors que les cellules Li-ion atteignent 3.6 volts. Il faut aussi comparer la réserve d’énergie qu’offrent les batteries. Dans le cas du Nicad et du NiMH, la moyenne était de 1.5Ah, et les meilleures batteries offraient 2.5Ah jusqu’à environ 3.5Ah. Aujourd’hui, les batteries Li-ion dîtes compactes sont de 1.5Ah à 2.0Ah, alors que les batteries à grande capacité offriront un minimum de 4.0Ah. Les fabricants introduisent d’ailleurs, au moment d’écrire ces lignes, des versions de 5.0Ah et même de 6.0Ah. D’ici quelques années, peut-être que cette limite sera encore repoussée plus loin, qui sait?
Les outils à batterie ont aussi changé. En effet, si vous comparez une scie circulaire à batterie d’ancienne génération avec les plus récents modèles aujourd’hui, vous remarquerez assez rapidement que les anciens modèles étaient plus petits, moins robustes, et dépourvus des fonctions qui auraient pu consommer trop d’énergie. À cette époque, les fabricants savaient très bien que ces outils étaient utilisés pour des applications occasionnelles et somme toute légères, alors inutile de les surcharger de fonctions ou de gadgets. La version électrique demeurait l’outil de choix dès que les travaux exigeaient un minimum d’effort. Aujourd’hui, les outils à batterie offrent l’équivalent ou presque des outils électriques.
Question prix d’achat, les premières générations d’outils à batterie étaient plutôt prohibitives à acquérir. Je me souviens très bien dans les années 90 d’avoir vu des combos de 4 ou 5 outils Nicad à 1000$ ou plus. On parlait donc d’une moyenne de 200$ à 250$ par outil, et ce, pour des produits qui devaient servir qu’à un usage occasionnel. Aujourd’hui, la situation s’est inversée et si votre premier investissement se fait avec l’achat d’un combo perceuse et visseuse à chocs, il est possible de se procurer les outils suivants, sans batterie ni chargeur, à coût réduit. On parle maintenant d’une moyenne entre 60$ et 120$ pour les outils dotés d’un moteur conventionnel, et entre 140$ et 250$ pour les outils équipés d’un moteur sans balais. Dans la plupart des cas aujourd’hui, l’outil à batterie coûte moins cher que son équivalent électrique.
Du côté des performances, c’est le jour et la nuit s’il faut comparer le rendement des outils à batterie d’aujourd’hui avec ceux des générations précédentes. En effet, nous sommes rendus à un tournant où certains outils à batterie n’ont plus rien à envier aux outils électriques. Même dans le cas où la puissance n’équivaut pas encore celui d’un outil électrique, il est toujours possible d’utiliser des outils à batterie dont la batterie ne s’épuisera pas avant son temps de recharge, ce qui fait qu’il est toujours possible de travailler normalement sans avoir recours à une prise de courant.
La sécurité et la précision
Un autre point intéressant à souligner concerne la sécurité accrue des outils à batterie. En effet, les outils électriques souffrent d’un inconvénient majeur soit que dès que l’on relâche la gâchette, la lame ou le mandrin continuent leur mouvement encore quelques secondes de plus avant de s’immobiliser. Dans le cas des outils à batterie, dès que l’on enlève le doigt sur la gâchette, l’outil s’arrête immédiatement. Si vous utilisez une scie circulaire, cela peut faire la différence entre une blessure sérieuse ou non. Pour les autres outils, par exemple une perceuse, il est plus facile d’assujettir avec précision la tête d’une vis pour qu’elle soit à la surface d’un matériau que de tenter la même manoeuvre avec une perceuse électrique qui n’offre aucun contrôle.
Retour sur l’investissement (ROI)
Voilà un aspect qui intéresse peut-être davantage les entrepreneurs que les bricoleurs, mais il y a quelques leçons à tirer à ce niveau, même pour les utilisateurs occasionnels.
Pour l’entrepreneur ou l’ouvrier qui utilise ses outils pour gagner sa vie, il doit se poser les questions suivantes :
- Combien de temps ai-je perdu chaque jour à installer et à déplacer des rallonges électriques afin d’alimenter mes outils?
- Combien de fois ai-je failli tomber en trébuchant sur une rallonge?
- Combien de fois ai-je eues à interrompre mon travail pour rebrancher un outil qui s’est débranché accidentellement?
- Combien de fois ai-je occasionné des dommages en tirant sur ma rallonge électrique, ne serait-ce qu’en faisant tomber un objet accidentellement, ou encore en marquant des murs peints lorsque la rallonge s’y frotte?
- Combien de fois les autres ouvriers sur le chantier m’empruntent (ou me volent) mes rallonges électriques?
- Sur les chantiers où l’électricité n’est pas encore disponible, combien me coûte chaque année l’utilisation d’une génératrice en entretien et en consommation d’essence?
- Combien de fois ai-je dû interrompre mon travail parce que le disjoncteur a sauté?
Bien entendu, chaque corps de métier possède sa réalité, mais je ne serais pas surpris qu’un ouvrier perde entre 15 et 30 minutes chaque jour pour s’assurer d’une alimentation constante en électricité. Sur une moyenne annuelle de 200 jours de travail, 15 minutes perdues chaque jour représentent pas moins de 50 heures en perte de productivité chaque année. Au salaire où ils sont payés, vous allez vite comprendre qu’on parle ici de milliers de dollars pour chaque employé… Le prix d’une batterie, même à 100$ ou plus, devient soudainement une véritable aubaine, et ça, c’est sans parler de l’aspect humain… On le sait, nous sommes tous plus ou moins paresseux, et si vous avez le choix entre prendre un outil à batterie et l’utiliser immédiatement, ou d’aller chercher une rallonge, la brancher à l’outil, et commencer votre travail, vous serez sans doute plus enthousiaste à l’idée d’opter pour la solution du moindre effort, et qui s’avère être l’outil à batterie.
On l’a vu précédemment, si un outil à batterie offre une puissance égale ou supérieure à son équivalent filaire, et que sa réserve d’énergie est suffisante pour n’effectuer qu’un seul changement de batterie par jour dans des conditions normales d’utilisation, comment peut-on dans un tel contexte, encore justifier l’usage d’outils électriques? À mes yeux, si la puissance et l’efficacité se retrouvent dans le même outil, pourquoi attendre plus longtemps?
L’obsolescence planifiée
Les plus réticents d’entre vous ne manqueront pas de me souligner que contrairement aux outils électriques, les outils à batterie ont le fâcheux inconvénient d’avoir une date d’expiration, car aucune batterie n’est éternelle. En effet, c’est une réalité, et c’est là qu’il faut faire un petit exercice. Si vous êtes un bricoleur et que vous achetez une perceuse à percussion pour un tout petit projet, sans perspective de réutiliser l’outil avant plusieurs années, alors dans ce cas précis, l’achat d’un outil électrique s’avère un meilleur choix. Par contre, si vous travaillez moindrement avec votre outil, et qu’il fait partie d’une collection, se procurer de nouvelles batteries tous les 5 ou 6 ans m’apparaît un bien moindre mal en considérant tous les avantages énumérés plus haut.
Si le passé est garant de l’avenir, il est à prévoir que d’autres technologies de batterie viendront changer la donne une nouvelle fois et qu’il faudra réinvestir à nouveau dans une nouvelle plateforme d’outils sans fil. Cependant, j’aimerais rappeler que la technologie actuelle est mature, au sens où les outils vendus aujourd’hui sont beaucoup plus puissants et mieux fabriqués que ceux des générations précédentes. Les fabricants d’outillage ont également épuré leurs plateformes pour ne se concentrer que sur deux ou trois formats, habituellement des outils compacts avec batteries de 12 volts, et des outils plus gros équipés de batteries de 18 volts (ou 20 volts). Chacune de ces plateformes s’enrichit de nouveaux outils chaque année. Bref, on sent clairement que ces plateformes de batterie sont là pour rester de nombreuses années à venir.
À cet égard, les fabricants d’outillage s’inscrivent aussi dans la réalité moderne. Les innovations et les améliorations arrivent à un rythme jamais vu, et les fabricants doivent s’adapter en proposant des produits qui répondent aux besoins changeants de leurs clients, sinon les conséquences pourraient être désastreuses… Il n’est plus rare aujourd’hui qu’on remplace un produit, non pas parce qu’il est brisé ou non-fonctionnel, mais tout simplement parce qu’il en existe un plus performant. Pourquoi faudrait-il reprocher aux fabricants d’outillage d’améliorer leurs produits sans cesse?
Conclusion
En guise de conclusion, je dirais que les personnes qui utilisent des outils régulièrement, que ce soit les professionnels ou encore les bricoleurs très actifs, l’acquisition d’outils à batterie représente un investissement nettement plus rentable en terme de productivité. En y jetant un coup d’oeil purement comptable, le retour sur l’investissement des outils à batterie est incontestable. Il suffira à cette catégorie d’utilisateurs de choisir les outils qu’ils utilisent le plus fréquemment, et peut-être acheter une version électrique des outils qu’ils utiliseront qu’à l’occasion.
Pour le bricoleur du dimanche, et je parle ici de celui qui réalise un très petit projet occasionnellement, l’acquisition d’outils à batterie peut représenter un investissement plus difficile à justifier sur le plan monétaire, mais sans doute pas au niveau de l’efficacité ou de la flexibilité.
Et vous, que pensez-vous des outils à batterie et comment les utilisez-vous?
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