
Dans le domaine de la construction et de la rénovation, souvent, la précision absolue d’une mesure n’est pas requise. Dans la fabrication d’un mur diviseur à l’intérieur d’une maison, une différence d’un huitième de pouce n’est pas une grosse affaire. Dans d’autres domaines toutefois, notamment l’ébénisterie, ça peut faire toute la différence lorsqu’il est temps d’ajuster le tiroir d’une table de nuit par exemple.
Quand vient le temps de faire une ligne à angle, de rapporter une ligne sur les quatre faces d’une pièce de manière à ce que le point d’arrivée soit le même que le point de départ ou simplement de répéter une ligne sur plusieurs pièces exactement au même endroit, on doit faire appel à des outils de mesure et de traçage plus spécialisés.
Voici quelques outils de base et trucs simples que j’utilise pour m’aider à mesurer le plus juste possible et à transférer ces mesures sur une ou plusieurs pièces de façon consistante.
Les outils de mesure
Le ruban à mesurer
Le ruban à mesurer est probablement l’outil de mesure le plus utilisé, tellement que certains en placent plusieurs dans l’atelier pour ne pas avoir à les chercher quand ils en ont besoin.
Par contre, il faut savoir que les rubans à mesurer ne sont pas tous créés égaux. Selon la qualité et le fabriquant, la graduation sur la lame et la course du talon peut différer d’un ruban à l’autre ce qui engendre des différences de mesure qui, avec le temps, s’additionneront sur vos projets causant des erreurs notables.
La facilité de lecture est aussi un atout pour prendre des mesures précises rapidement. Utiliser, à tour de rôle, un ruban gradué en millimètres et un autre en centimètres peut amener à faire des erreurs de conversion. Par exemple, une minute d’inattention pourrait mener à convertir 35.1cm en 350.1mm ce qui donne une erreur de 0.9mm.
Qui d’entre nous n’a pas eu à jongler avec les mesures anglaises. Pas facile de soustraire trois seizièmes de pouce à une mesure de 4 pouces et trois quarts. Pour ma part, j’évite les calculs fractionnaires en utilisant un ruban qui possède une graduation aux trente-deuxièmes de pouce, mais avec les fractions écrites au huitième de pouce (encerclé en rouge dans la photo ci-dessous. De plus, pour avoir des mesures consistantes, autant que possible, j’utilise le même ruban à mesurer tout au long du projet.
Les règles
Le ruban à mesurer sert surtout à prendre des mesures de plus de 30 cm (12 po). Pour les mesures plus courtes, il est préférable d’utiliser une règle.
Une de mes préférées est celle d’ébéniste de Lee Valley (nº60N20.06). Ce qui fait son charme, c’est qu’il y a une seule valeur de division par côté. C’est-à-dire que les fractions en huitième de pouce et en seizième de pouce sont de part et d’autre de la règle. Donc, s’il faut tracer une ligne à 2 5/8 po, on choisi le côté divisé en huitièmes de pouce, on dépasse la ligne de 2 po, et il suffit ensuite de compter 5 lignes pour arriver au 5/8 po suivant. Il est donc très difficile de se tromper.
Pour prendre une mesure avec cette règle, on essaye chaque valeur de division jusqu’à ce qu’une ligne s’aligne parfaitement avec la mesure à prendre. Dans l’exemple ci-dessous (à gauche), l’échelle en 1/16 po ne permet pas de trouver une ligne qui s’aligne parfaitement, alors je retourne la règle et j’essaye avec l’échelle en 1/32 po. Cette fois-ci, la pièce s’aligne et il est facile de voir que la pièce mesure 1 29/32 po.
Une petite règle de poche de 15cm (6 po) est aussi très utile à garder sur soi. Elle sera à la portée de la main pour ajuster un outil ou pour vérifier l’épaisseur d’une planche après quelques passes à la raboteuse. Ces petites règles sont aussi très pratiques à apporter avec soi durant votre magasinage pour vérifier diverses mesures (grosseur interne d’un tuyau, épaisseur d’une planche, etc.).
Les outils de traçage et de marquage
Crayon à mine conventionnel
Le moins coûteux et le plus facile à trouver est le crayon à mine conventionnel au graphite. Ils sont parfaits pour les travaux de rénovation où la précision au millimètre près n’est pas requise. On en laisse à plusieurs endroits dans l’atelier pour ne pas avoir à les chercher.
Par contre, la pointe étant de forme conique, elle s’use de façon inégale et s’élargit entre le début et la fin du trait. L’utilisation d’une mine plus dure, comme la 2H, réduit la vitesse de l’usure, mais produit également un trait plus pâle, ce qui incite à passer plus d’une fois ou à appuyer plus fort, ce qui peut marquer le bois profondément.
Il existe cependant deux techniques pour réduire l’inconvénient de l’usure rapide de la mine. La première consiste à aiguiser le crayon sur deux faces seulement sur un bout de papier abrasif. La mine prend alors la forme d’un « pinceau » et il est possible de tracer une ligne constante en utilisant la partie plus étroite. L’autre technique provient du domaine du dessin technique et exige un peu de pratique. Elle consiste à tourner le crayon entre les doigts durant le traçage de façon à répartir l’usure de la mine uniformément, ce qui permet d’obtenir un trait régulier et réduire l’aiguisage du crayon au minimum.
Crayon mécanique ou porte-mines rétractable
Mon outil de traçage et marquage de choix. L’avantage du porte-mine rétractable est que la mine demeure toujours du même diamètre soit 0.5mm et ne nécessite pas le recours à un aiguisoir. À cause de leurs formes qui diffèrent d’un manufacturier à un autre, les porte-mines rétractables ne sont pas de bons candidats pour être fixés à un outil de marquage tels le compas à rayon ou le compas à verge.
Crayons de couleurs et craies
La sélection de pièces de bois qui possèdent un élément distinctif, comme un nœud ou un grain particulier est très important dans la fabrication de meubles. Les pièces moins belles sont généralement réservées aux parties moins visibles du meuble, alors que le bois figuré est utilisé sur le dessus ou l’avant du meuble. Pour éviter de mélanger les pièces de mêmes dimensions, j’utilise alors des crayons de couleurs différentes.
Certaines essences de bois comme le noyer noir n’offrent aucun contraste lorsqu’elles sont tracées avec un crayon à mine de graphite et le trait n’est tout simplement pas visible. Dans ces cas, j’utilise un porte-mine rétractable avec une mine jaune ou un crayon de bois blanc.
Pour marquer les défauts d’une planche, choisir une partie spécifique, ou pour déterminer le débitage grossier d’un projet, j’utilise une craie à tableau. Le trait est facile à effacer lorsqu’on change une ligne de place. Je m’en sers aussi pour écrire le nom de l’essence de bois sur une planche ou une retaille.
Couteau à tracerEnfin, le dernier outil que certains ébénistes utilisent est le couteau de marquage. Certains couteaux en forme de pointe de lance sont conçus spécifiquement pour cette technique. Appuyé le long d’une règle, ce type de couteau laisse un trait droit, très fin, et de largeur constante. On prête deux avantages principaux à cet outil, tout d’abord le couteau coupe la fibre du bois ce qui réduit les chances d’avoir des éclats après la coupe le long de cette ligne. Le deuxième avantage, et les utilisateurs d’outils manuels vous le diront, il est utile pour créer un sillon qui servira ensuite de point de départ à un ciseau à bois ou même à certains types de rabots. Ses deux inconvénients sont d’être encore plus difficile à voir qu’une mine dure et de trancher la fibre en surface, un détail qui n’est pas toujours souhaitable sur certaines pièces de bois. À cet égard, les ébénistes qui réalisent leurs assemblages à queue d’aronde à la main utilisent fréquemment le couteau à tracer, ou un trusquin à lame ronde, pour déterminer la position des queues d’arondes.
Les équerres
L’équerre combinée
Une des meilleures façons de tracer une ligne à angle droit est d’utiliser une équerre. Il en existe plusieurs types différents, mais la plus commune est sûrement l’équerre combinée. Cet outil possède une règle et une équerre ajustable qui peut servir de guide de profondeur et pour tracer une ligne à une distance précise. Elle permet de tracer des lignes à angle droit (90°), mais aussi des onglets à 45°.
L’équerre de machiniste
Cette dernière n’offre que l’angle droit à 90°, mais n’ayant aucune pièce mobile, elle est réputée beaucoup plus précise. On la retrouve en formats variant de 2 po à 8 po, mais le modèle de 4 po ou de 6 po est sans doute le plus polyvalent pour les besoins de l’ébéniste. Ce type d’équerre est idéal notamment pour vérifier si un joint ou un assemblage est droit, mais aussi pour ajuster les guides ou les lames sur la machinerie.
L’équerre de renvoi
Pour rapporter une ligne sur deux, ou plusieurs faces, l’équerre de renvoi facilite grandement la tâche tout en offrant une précision maximale. Sa forme à angle droit permet d’amorcer une ligne sur une face, et de la reporter sur la face adjacente sans avoir à mesurer à chaque fois.
Pour une plus grande précision dans mes coupes au banc de scie, j’utilise cette équerre dans ma méthode de traçage. Par exemple, pour couper une pièce de bois sur la longueur, je vais utiliser ma règle d’ébéniste pour marquer le dessus de la pièce à la mesure requise (voir photo ci-dessous).
Ensuite je place mon crayon exactement sur la ligne et je glisse l’équerre de renvoi jusqu’à ce qu’elle s’appuie sur la mine du crayon.
Je trace ma ligne sur le dessus et sur le chant de la pièce.
Finalement, je peux utiliser la ligne sur le chant pour l’aligner sur la lame du banc de scie et ainsi effectuer une coupe précise.
J’utilise aussi cette équerre pour le traçage de mortaises qui sont à la même hauteur sur deux côtés différents d’une patte de table par exemple. Il est possible de se procurer l’équerre de renvoi Veritas chez Lee Valley (nº05N56.01).
L’équerre-trusquin
Pour rapporter une mesure à plusieurs endroits et/ou sur plusieurs pièces de façon consistante et précise, l’équerre-trusquin est mon outil de choix. Il suffit de régler la butée à la dimension voulue et de tourner la molette de serrage pour la verrouiller en place.
Ensuite, il ne reste qu’à tracer.
L’équerre à trusquin est offerte chez Lee Valley (nº05N32.01 et nº05N32.05)
Les compas
Compas à crayon
Parfois, le design nécessite une ligne courbée. Pour les réaliser, je fais appel aux compas.
L’utilisation du compas à rayon est simple, on ajuste la distance entre la pointe et le bout du crayon en fonction du rayon désiré et il ne reste qu’à tracer la courbe entre les deux point prédéterminés sur la pièce.
Compas à verge
Le design d’un lit baladin que j’ai fabriqué exhibait une courbe avec un rayon d’environ 42 po. Le compas à verge s’est avéré l’outil idéal pour ce travail.
Il faut tout d’abord fabriquer une perche sur laquelle on va fixer à un bout le porte pointe du compas. À l’aide d’un ruban à mesurer, on fixe le porte-crayon à la distance désirée.
Facilement, on trace la courbe.
On trouve le compas à verge Starrett chez Lee Valley (nº30N26.50)
Conclusion
Peu importe la méthode de mesure ou de traçage utilisée, c’est le résultat qui compte. Les outils et les méthodes que j’ai décrit dans cet article m’aident à accomplir cette partie de mon travail avec une rapidité accrue et surtout une plus grande précision.
4 réponses to “Laisser sa marque…”
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Benoit BissonnetteIl y a une règle que j’aime beaucoup, et que je me sers souvent pour ajuster mes outils avec une très grande précision (1/128 po), c’est la règle de butée : http://www.leevalley.com/fr/Wood/page.aspx?p=61607&cat=1,43513,43519&ap=1
Elle est idéale pour ajuster un trusquin et les mesures peuvent être répétées continuellement sans craindre les imprécisions.
Excellent article Simon!
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Gilles LalondeCet article m’a beaucoup appris sur les différents outils de traçage et leur utilité. Le commentaire de Normand permet également de découvrir un nouvel outil.
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Normand LaforceBonjour Simon
Une règle que j’aime bien est celle dites à crochet ou à butée règlable. Elle permet une mesure précise en s’appuyant sur un côté de la pièce à mesurer.
http://www.leevalley.com/fr/Wood/page.aspx?p=40923&cat=1,43513,43519&ap=1
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Simon GirouardNormand,
La règle avec butée est effectivement très pratique lors de mesures prises là où il y a un rebord profilé ou autre.
Merci d’avoir partagé avec nous !